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l'onitres

1 août 2005

le broquanteur

Voici les début d'un de mes romans non terminés : J'aimerais savoir si ces quelques lignes peuvent vous intéresser et avoir votre opinion car il y a une suite mais pas une fin pour l'instant.

LE BROC .        Roman

Les rares matins où Jean se rendait à l’entrepôt de son père perturbaient tellement sa vie qu’il en devenait exécrable. Personne ne pouvait l’approcher si ce n’est son chien Nestor, un cabot jaune horrible, bas du train, la queue en panache et le regard sournois. Jean détestait travailler avec son père d’autant que ce dernier lui reprochait sans cesse son mode de vie trop décontracté. Jean arrivait comme il se doit toujours en retard, traînant les pieds, l’air mal réveillé , les cheveux en bataille avec autour du cou son éternelle écharpe rouge qui lui donnait un air de poète maudit de la fin du siècle dernier. Nestor le suivait dandinant son arrière train, bringuebalant sa queue d’un va et vient de métronome.

L’entrepôt situé dans un sordide endroit près des halles, derrière une impasse pavée, était entouré d’autres entrepôts mal entretenus et pour la plupart vides de toute occupation. Le père de Jean surnommé « Le Broc » dans le milieu des « antiquailles », devait sa réputation à sa qualité de chineur. « La plupart des gens n’y comprennent rien ! » se plaisait à répéter le Père Le Broc,  dit Auguste pour les intimes, « et c’est pas près de s’arranger !» qu’il terminait dans un grand éclat de rire. Il était aimé par les brocanteurs et le devait à son caractère enjoué et toujours porté sur la plaisanterie. Généralement, Jean s’installait dans la seule pièce chauffée par un poêle souffreteux et attendait les ordres du paternel tout en parcourant les revues d’un autre siècle. Il aurait aimé faire plaisir à son père mais il fallait qu’ils se chamaillent comme des gosses. Jean ne courbait pas facilement l’échine devant les gens, alors sûrement  pas devant son père, même s’il le respectait et l’aimait d’un immense amour.

Quand les clients arrivaient, c’était souvent sur le coup dès 9 heures du matin, Jean les regardait fouiner entre les trouvailles de la semaine à la recherche du bon coup. C’étaient pour la plupart des brocanteurs de Saint Ouen qui venaient se ravitailler en meubles et bibelots de toutes sortes. Son père les saluait avec bonhomie, tapant sur l’épaule des uns, plaisantait avec d’autres, vantant telle chambre à coucher, faisant remarquer la qualité d’une salle à manger où le galbe d’un fauteuil Louis XV. Son éternel sourire attirait les clients et les ventes s’effectuaient rapidement. Les billets passaient d’une main à l’autre et c’est alors que Jean intervenait en aidant à charger les camions garés devant l’entrepôt. Tous étaient pressés de partir car leurs locaux ouvraient à 14 heures et « C’était pas la porte à côté ! », comme ils disaient. Jean recevait quelquefois une pièce en remerciement avec en plus un sourire complice agrémenté d’un gentil clin d’œil.

Tous ces hommes, Jean les aimait bien. Leurs accents faubouriens, méridionaux, où du nord de la France les rendaient sympathiques. Chacun étaient venu chercher fortune à Paris et tous se retrouvaient traîne-misère à gagner trois sous dans leur cabanon transformé en boutique, aux quatre vents, aux puces à Saint Ouen. Jean les rencontraient quelquefois sur leurs stands, haranguant le client, essayant de faire rentrer le chaland dans leur univers constitué de bric et de broc ; Là une vieille cafetière émaillée, ici un canapé défoncé, une poupée à tête de porcelaine, plus loin des vieux meubles quelquefois cirés et patinés, toujours vendus dans l’état contre liquidité car les chèques et autres moyens de paiements étaient bannis dans leur commerce.

Lorsque le travail se terminait à l’entrepôt, alors venait les questions insidieuses de son père. C’est pas qu’elles étaient  vraiment méchantes ces questions, mais elles revenaient sans cesse sur le tapis et Jean le supportait de moins en moins. L’avenir, mais merde après tous c’était le mien ! Il n’avait pas à se mêler de ça le vieux ! qu’il se répétait en se prenant la tête. Le BAC, il l’avait réussi même s’il avait tout juste la moyenne il l’avait eu et du premier coup, c’est pourquoi il ressentait le poids de l’injustice sur lui d’autant qu’il avait un an d’avance sur les autres élèves. Bon d’accord, depuis il tournait en rond sans vraiment trouver une école où un boulot mais c’était pas faute de chercher, les patrons préfèrent employer les gens après le service militaire. En tous cas, il n’était pas question de devancer l’appel.

Son rêve, c’était de partir aux états unis avec son copain Dédé et d’en faire la traversée en moto, après il verrait, après tout ! 17 ans,  c’est pas rien !

Nelson attendait sagement son maître près du poêle, guettant chacune de ses réactions, ne remuant la queue que lorsque Jean le regardait. Ce chien était impayable car seul son jeune maître l’intéressait. Les autres avait beau le caresser, il restait stoïque, grognait quelquefois pour marquer son impatience en venant se réfugier dans les pieds de Jean.

Lorsque l’entrepôt était rangé et balayé proprement, Jean avait l’autorisation de partir. Avec les quelques pièces gagnées avec les brocanteurs, Jean pouvait se payer le bus pour rentrer à la maison, un modeste pavillon de banlieue avec un petit jardin potager où son père s’évertuait à faire pousser quelques légumes pour améliorer l’ordinaire.

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